Là où il y a des Douanes, il y a des Frontières.
De façon simple, on peut dire que la douane est l’organisation qui contrôle les frontières d’un pays (migration des personnes, entrée-sortie des marchandises). C’est aussi la douane qui perçoit les droits financiers sur le commerce et qui prend en statistiques tous ces échanges. Les droits de douane sont une forme très ancienne des échanges entre nations. Tout cela pour la protection du pays et de son économie.
Les frontières? Il peut s’agir de frontières terrestres, maritimes, physiques, aériennes ou, de nos jours avec le commerce en ligne, numériques. Les frontières du Québec et du Canada d’aujourd’hui ont été définies et fixées progressivement, à la suite de conflits et par la pénétration d’est en ouest de l’Amérique du Nord : Terreneuve, Acadie, Nouvelle-France, Québec,… Canada.
Les frontières du pays.
Avant l’arrivée des Européens en Amérique du Nord au XVè siècle, les Premières Nations (Micmacs, Malécites, Innus, Abénakis, etc.), « se reconnaissaient comme des nations distinctes, tout comme le faisaient les nations européennes. Elles se portaient un mutuel respect de leurs frontières et négociaient entre elles des traités, chacune ayant son identité culturelle et linguistique propre » (1). Certaines exigeaient des droits des membres des autres tribus qui traversaient leur territoire. Tadoussac et Miscou, N.-B. étaient des lieux privilégiés de rencontres entre nations. Tadoussac pour les échanges de produits entre chasseurs du Nord et agriculteurs du Sud, et Miscou pour le commerce du poisson. (2)
*Les informations en bleu sont spécifiques aux Îles.
1604-1759
Sous le régime français, avant l’intérêt pour la fourrure, c’est la pêche saisonnière commerciale qui a attiré les Français dans les eaux du golfe et du fleuve Saint-Laurent.
C’est à qui, des Français, Espagnols, ou Anglais seraient les premiers à occuper les échoueries, les graves ou les côtes pour accaparer les pêcheries. En 1597, le Hopewell de l’Anglais Charles Leigh, dans le port d’Halabolina aux Îles de la Madeleine tente de prendre le contrôle de la chasse aux morses. Il doit se retirer devant la menace des Bretons et des Autochtones déjà sur place.
1714-1743
La forteresse de Louisbourg, au Cap Breton, N.-Écosse., est construite à partir de 1714 pour protéger l’Acadie. À la fois port de pêche, place militaire, centre du commerce, Louisbourg est aussi le début de l’installation de colons à l’année, et d’une administration sédentaire. En 1748, Louis XV, roi de France, impose des droits sur la majorité des produits importés et exportés des colonies.
Les activités de pêche ont longtemps été saisonnières et la navigation à voile de première importance. Le contrôle des frontières et des produits du commerce est exercé par la Marine royale et/ou par les corsaires (littéralement des pirates autorisés à agir en temps de guerre).
Les postes français de contrôle du commerce deviennent alors, outre Louisbourg, Québec, Trois-Rivières, Montréal et la Nouvelle-Orléans.
Les Îles de la Madeleine relèvent de Louisbourg.
1758
Chute de Louisbourg. Défaite à Québec (1759) et capitulation de Montréal (1760) aux mains des Anglais.
1763
Avec la conquête, l’Angleterre instaure un régime militaire, une milice, implante un nouveau système douanier et de nombreuses lois sur la navigation et le commerce. Les receveurs, généralement des Britanniques, sont nommés par l’empire anglais. Tous les parlementaires doivent avoir prêté le serment d’allégeance et adjuré la religion catholique.
La France ne conserve dorénavant que les îles St-Pierre et Miquelon et des droits de pêcher dans le Golfe. Les îles de la Madeleine sont rattachées à Terre-Neuve.
1774
Une loi des Douanes impériales (Imperial Customs Act) est adoptée, dans le but exprès de fournir les moyens nécessaires de pourvoir aux besoins du gouvernement civil.
1783
Déclaration d’indépendance et Constitution des États-Unis en un pays, créant une frontière nouvelle dans l’empire britannique. Frontières maritimes et terrestres qui seront difficiles à contrôler.
1791
La province du Canada (Québec) est scindée en 2 : Le Bas-Canada et la Haut-Canada.
Les Îles font partie du Bas-Canada, comté de Gaspé.
1798 Concession, en franc et commun soccage, des Îles-de-la-Madeleine à Isaac COFFIN. Celui-ci aura droit « … de pêcher, prendre et détruire sur les grèves et rives des dites îles concédées […] et dans la mer […] et d’en appliquer tous les profits et revenus à son […] usage et bénéfice sans en rendre compte en tout ou en partie à nous [roi George III], nos héritiers et successeurs ».
Coffin, par ses agents, exigeait une rente sur les terres louées aux habitants et cherchait à s’attacher les pêcheurs locaux. Ses entreprises eurent peu de succès. Il tenta de faire déporter les habitants, d’annexer les îles à la N.-Écosse ou de les vendre aux États-Unis. En vain.
1831
Le port de Montréal supplante Québec comme port d’entrée. On y construit la Maison des douanes et un entrepôt d’examen des marchandises.
1840
Le Haut-Canada et le Bas-Canada sont réunis en Canada-Uni.
1845
Une Cour de circuit judiciaire est créée qui siégera au havre d’Amherst une fois par année. Cette Cour a la même juridiction en matières civiles que la Cour supérieure dans tout autre endroit.
Vers 1850
La plupart des provinces acquièrent le gouvernement responsable. Les receveurs des douanes sont remplacés par des Canadiens. Les droits de douane constituent la principale source de revenus des colonies.
1850-1865
Pendant cette période, plus de 250 familles quittent l’archipel à cause des difficultés liée à la propriété des terres. Pourtant, cette période est aussi celle où le commerce des pêcheries locales a connu une croissance fulgurante. Selon les rapports du collecteur des douanes, ce sont 104 bateaux, en 1854 qui sont entrés au port d’Amherst, et plus du double en 1860, soit 250 vaisseaux totalisant 10 600 tonnes et 1 373 hommes d’équipage. À ceux-là, il faut ajouter la centaine de bateaux qui refusent à chaque année d’entrer dans le port d’Amherst, pêchant dans ou autour de l’archipel, et les goélettes et bateaux des Îles qui pêchaient et commerçaient, eux aussi. Le rapport dit que la valeur des exportations de 1860 totalisait 270 000 $ dont 181 962 $ à destination des provinces maritimes et 84 064 $ des États-Unis, alors que les importations (sel, agrès de pêche et autres marchandises) totalisaient 45 280 $ dont la presque totalité venait de la Nouvelle-Écosse et le reste de Québec et des alentours. Les revenus de douane sont ainsi passés de 444 $ en 1851, à 6 070 $ en 1860. Cette dernière année, les Îles avaient aussi produit 30 000 gallons d’huile et 5 500 peaux de loup-marin. (Rapport G. Sutherland. 1862. Magdalen Islands. Their topography, Natural History, Social Condition and Commercial Importance. Charlottetown, P.E.I. Ed. G.T. Hazard, Queen Square. 50p.)
1861
Construction à Havre-Aubert d’une Cour de justice avec prison attenante et bureau d’enregistrement.
1866
Le traité de réciprocité de 1854-1866 ayant pris fin, un avis du gouvernement informe les pêcheurs américains qu’ils n’ont plus le droit de pêcher dans les eaux britanniques, notamment dans le golfe du St-Laurent. En 1871, par le Traité de Washington, le droit de pêche libre et le libre échange pour les pêcheries sont restaurés.
1867
Fédération des provinces Québec, Ontario, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse en Dominium du Canada. Peu après, le ministère des Douanes (fédéral) est créé. Jusqu’à la première guerre mondiale (1914-1918), les droits de douane représentent les ¾ des revenus du gouvernement canadien. Les autres provinces se joindront à tour de rôle à la Fédération canadienne (Terre-Neuve en 1949).
1875
Les travaux pour améliorer les havres d’Amherst et de Havre-aux-Maisons « sont payés à même un droit de tonnage prélevé sur les goélettes qui fréquentent ces hâvres mais les avances ont été faites par le trésor fédéral » (Doc. de la session No 140. A-1890, rapport du commandant Fortin)
1917
Le ministère des Finances instaure une taxe sur les profits des sociétés et l’impôt sur le revenu des particuliers. En 1991 sera adoptée la TPS (taxe sur les produits et services) à travers le Canada.
1920-1933
Période de contrebande et de prohibition américaines.
En 1928, la cargaison de rhum de contrebandiers a été saisie à Pictou, N.-É.
1921
La fusion des ministères du Revenu intérieur et des Douanes devient Douanes et Accises Canada et, en 1927, ministère du Revenu national.
1955
Construction du bureau des services fédéraux à Cap-aux-Meules.
1977
Le territoire canadien s’étend jusqu’à 200 milles nautiques des côtes.
2003
L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est créée. Elle est responsable des services douaniers et des entrées et sorties aux frontières (1 200 lieux) du Canada.
Aujourd'hui
L’ASFC rend disponible sur Internet des informations sur les lois, règlements, politiques et procédures que l’Agence utilise pour administrer ses opérations de douane et de voyage. De même, pour des envois à l’extérieur du Canada, par Postes Canada, il est possible de remplir la déclaration de douane et de payer en ligne.
L’Agence des services frontaliers du Canada a un bureau dans l’édifice fédéral à Cap-aux-Meules. En semaine, on y offre les services dits : Bureau de déclaration d’exportation désigné; Bureau intérieur (au grand public); Navires commerciaux. L’aéroport des Îles-de-la-Madeleine est classé « Aéroport d’entrée/15 ». Utilisé pour le dédouanement des usagers à bord d’aéronefs de l’aviation générale (privés ou d’affaires)
Recherche et rédaction : Hélène Chevrier
Janvier 2024
[1] N’Tsuk et Robert Vachon. 1983. Nations autochtones en Amérique du Nord. Montréal : éditions Fides. p.50
[2] Dickason, Olive Patricia. 1995. Le mythe du sauvage. Paris : Éditions du Felin. P.241